La moto qui prédit l’avenir

Kawasaki ZX-10R
par Adrian

La Kawasaki ZX-10R 2016 est une moto révolutionnaire. Et ce qui la rend unique, ce ne sont ni les 200 chevaux qu’elle développe, ni son équipement digne d’une moto de course – étant donné que sur ces points, ses concurrentes offrent strictement la même chose. Non, ce qui la rend unique, c’est son cerveau : son boîtier électronique est capable de prédire l’avenir. Avec un seul but : vous éviter de chuter.

Depuis que les motos existent, des ingénieurs se cassent la tête à les rendre plus performantes, plus belles, plus fiables. Pas à les rendre plus solides. Une moto n’est donc pas faite pour tomber. Pourtant, une moto finit toujours par chuter. Et le seul responsable de cette erreur, c’est le pilote. Même si ce n’est pas du tout son intention, il finit toujours par fauter… Kawasaki a bien compris ce problème, et a trouvé un moyen de le régler. Le souci, c’est que les ingénieurs japonais sont tellement humbles, qu’ils n’ont pas trop osé communiquer sur les merveilles technologiques de leur moto. Au lancement de la Kawasaki ZX-10R ls ont juste donné un dossier technique de 80 pages aux journalistes du monde entier, en s’excusant pour sa longueur. Et ce dossier, on l’a lu. C’était en janvier 2016. 15 mois plus tard, on l’a à peu prés compris.

L’expérience des chutes

Quand les ingénieurs des autres marques se contentent d’équiper leur moto d’assistances électroniques (comme l’ABS, l’antipatinage, l’anti-wheeling, le mode pluie…) pour limiter les erreurs potentielles du pilote, Kawasaki a préféré aller plus loin : prédire ces erreurs. Pour cela, ils ont étudié tous les scénarios de chutes connus à ce jour et acquis durant des années de compétition. C’est-à-dire qu’ils ont analysé toutes les actions du pilote qui ont provoqué une chute : pression excessive sur le levier de frein, coup de poignet droit trop brusque, trop d’angle par rapport à l’ouverture des gaz… Ils ont ensuite traduit ces actions en formules mathématiques et les ont injectées dans le boitier. C’est ainsi que la ZX-10R a acquis ce qu’on pourrait appeler de « l’expérience ».

Cette ZX-10R est dotée de ce qu’on pourrait appeler de « l’expérience ».

Le cerveau

En faisant ça, ils ont créé le boîtier électronique le plus intelligent au monde. Pour fonctionner, il utilise tous les capteurs disponibles sur la moto : vitesse des roues, régime moteur, pression sur le levier de frein, rapport engagé, rotation de la poignée de gaz et surtout… un gyroscope, qui donne le positionnement exact de la moto dans l’espace et l’énergie avec laquelle le pilote la contraint. La ZX-10R interroge ces capteurs toutes les 5 millisecondes (soit 30 fois par clignement de paupière) et compare ce que vous faites avec son « expérience ». Si vos actions coïncident potentiellement avec un scénario de chute, elle les bridera en douceur avant même que le risque de chute existe. En fait, elle peut vous empêcher de tomber 30 fois à chaque fois que vous clignez des yeux, sans même que vous vous en rendiez compte.
Bref, vous l’aurez compris, la Kawasaki est une moto intelligente. Et le problème des gens intelligents, c’est que la plupart du temps, ils le sont plus que vous. Du coup, ce sont eux qui décident. La ZX-10R va donc choisir si oui, ou non, vous êtes capable de gérer sa puissance.

La Kawasaki est une moto intelligente. Elle l’est même plus que vous.

« L’électronique, c’est dans la tête ! »

Du coup, sur circuit, on a envie de lui montrer qui est le patron. Si après votre premier run à son guidon, elle vous a laissé faire deux dérives à l’accélération, c’est parce qu’elle vous en a senti capable. Votre pilotage lui a prouvé que vous étiez assez bon pour gérer ces deux dérives. Dans ce cas là, deux options. La première, vous pouvez être fier : c’est tout de même une moto de 200 chevaux. La seconde, vous pouvez vous dire : « Que deux dérives ?! Je suis sûr d’être meilleur que ça. » Vous repartirez alors certainement pour second run, en désactivant les aides électroniques. Parce que ce n’est pas une petite boîte remplie de puces électroniques qui va vous apprendre comment rouler à moto. Et dans ce cas-là, c’est à notre tour de prévenir votre avenir : vous ne roulerez pas plus vite, mais vous allez prouver que la Kawasaki ZX-10R peut tomber.

Et sur route, ça donne quoi ?

Pour gagner en performance à hauts régimes et passer les normes d’homologation Euro4, les ingénieurs ont du rendre le moteur super creux à bas régime. En dessous de 8 000 tr/min, il ne se passe strictement rien. Le moteur dort. En revanche, au-dessus, il se réveille. Le problème, c’est que même sur le premier rapport, au-dessus de 8 000 tr/min, vous êtes déjà à plus de 90 km/h… Moins d’une seconde plus tard, vous êtes au dessus de 130 km/h. Vous avez donc environ 0,8 seconde pour profiter de ce moteur en toute légalité. Même constat pour la fourche : une Showa Balance Free. Elle est composée d’une petite bonbonne rouge. Celle-ci contient de l’azote pressurisé, qui permet de réguler le fonctionnement de la fourche en régulant la pression de l’hydraulique. Un très beau jouet marketing dont l’utilisation, sortie du championnat du monde SBK, n’a aucun intérêt. En gros, pour la petite dizaine de pilotes Kawasaki en championnat du monde, c’est super utile. Pour tous les autres êtres humains de la Terre, c’est de l’argent foutu par les fenêtres. Alors, au cas où vous ne l’auriez pas compris, cette moto n’a rien à faire sur route. Elle est faite pour battre le chrono.