Beauté = performance ?
MV Agusta F4 1000par Bader
Tout le monde sait que la MV Agusta F4 est une des plus belles machines construites par l’homme. En revanche, très peu savent que c’est parce qu’elle est belle, qu’elle va vite.
Parmi l’immense variété de sensations qu’une moto peut faire ressentir à son possesseur, nous avons chacun nos « caractéristiques préférées ». Pour certains, c’est le couple, d’autres la puissance, ou la légèreté, sans parler du design ou du nombre de kilos de chromes qu’elle embarque. Moi ce que je préfère par dessus tout, c’est la capacité d’une moto à rouler le plus vite possible en virage. Elle pourrait être hideuse, rose à pois verts et tordue, si elle va vite en courbe, je l’aimerais. De toutes les motos qu’il m’a été donné de tester, la plus incroyable dans cet exercice, c’est la MV Agusta F4. Cerise sur le gâteau, elle est sublime.
Érection
La première fois que j’ai vu la MV Agusta F4 c’était en 1999. J’ai dû vider plus de rouleaux de sopalin cette année que pendant toute mon adolescence. Et tout ce gaspillage séminal revient à un certain Tamburini. Un des plus grands, si ce n’est le meilleur designer de l’histoire de la moto. D’après ce bon vieux Massimo, la F4 est la suite logique de la mythique Ducati 916, qu’il avait aussi dessinée. Les codes sont les mêmes, une sportive compacte aux lignes saillantes, un cadre en acier tubulaire et une ligne d’échappement sous la selle. Deux sorties pour la fameuse Ducati, 4 pour la MV Agusta F4.
D’après ce bon vieux Massimo, la MV Agusta F4 est la suite logique de la mythique Ducati 916.
La première MV Agusta que j’ai pu tester en jeune et naïf journaliste-essayeur, est la F4 312. Une des trop nombreuses séries spéciales de la marque. Ce chiffre, c’est tout simplement sa vitesse maximale chronométrée, et donc réelle. C’était en 2007. Convié à atteindre les limites mécaniques de son moteur sur le sulfureux circuit de Monza, en Italie, je peux dire sans rougir que la seule limite atteinte ce jour-là était celle de mon courage.
Je vais mourir
183 chevaux pour 192 kilos à sec. Rien de révolutionnaire comparé à la concurrence de l’époque, car elle était aussi puissante que les autres, mais aussi plus lourde. Mais elle, elle semblait possédée par une haine gigantesque de l’homme. Elle hurlait, crachait, cabrait et accélérait comme si son objectif était de me perdre en route.
Elle, elle semblait possédée par une haine gigantesque de l’homme.
J’ai réussi je ne sais comment à rester sur son dos à l’approche d’un freinage, dans lequel elle a essayé de me catapulter par-dessus bord à peine avais-je posé un micro bout de doigt sur son large levier de frein. J’étais terrifié. Mais toute cette rage, cette agressivité et cette haine se sont évaporées d’un seul coup. À l’instant ou je suis rentré trop vite, par erreur et non par talent, dans un virage. L’instant suivant était comme se retrouver dans l’œil du cyclone. J’ai ressenti… la paix intérieure.
Tout est calme
La capacité d’une moto à passer vite en courbe dépend de plusieurs facteurs comme la stabilité, la rigidité de sa partie-cycle, sa répartition des masses et la qualité de ses suspensions en passant par l’exploitabilité de son moteur et son comportement sur les premiers millimètres de gaz. La MV Agusta F4 est rigide. Trop rigide. Rentrez timidement dans un virage et elle refusera d’y aller. Plus vous augmenterez votre vitesse, plus la partie-cycle subira des contraintes et mieux la F4 prendra le virage. Plus vite. Beaucoup plus vite, elle le prendra. L’entrée devient précise, lourde, mais précise. Et chaque degré d’angle additionnel est empilé avec une progressivité et une rigueur jamais vues.
Ne changez rien
Certaines machines ont tendance à se redresser toutes seules si vous ne le forcez pas à rester sur l’angle. La F4 reste au dixième de degré près là où vous l’avez laissée. C’est comme si, par le génie de sa partie-cycle, elle contractait le temps et les distances. Un centimètre devient un mètre, resserrer une trajectoire de quelques centimètres et placer cette machine au doigt près là où on le désire est immédiat, Même a 200 km/h. Surtout à 200 km/h.
C’est comme si, par le génie de sa partie-cycle, elle contractait le temps et les distances.
Freinez sur l’angle, elle garde son cap. Accélérez sur l’angle, idem. Cette moto n’existe que pour rouler inclinée. Et c’est le seul moment où elle se laisse dompter. Depuis ce jour, chaque F4 que j’ai eu la chance d’essayer possédait ce don. Cette capacité incroyable. Le moteur a évolué, l’électronique a gâché un peu sa nature brute, son design s’est acéré, mais cet engin reste le plus rapide en courbe jamais essayé par nos soins.