Comment la Zero SR/F a failli me faire aimer l’électrique
Zero SR/Fpar Ponpon
Avant la Zero SR/F, les motos électriques étaient lourdes, moches, peu performantes et avaient autant d’autonomie qu’un asthmatique sur un tapis de course. Mais ça, c’était avant la Zero SR/F.
Mes collègues pensent que je suis un vieux con. D’une part parce que je suis – un peu – plus vieux qu’eux. D’autre part parce que je refuse d’entendre parler de moto électrique. Écartons tout malentendu : ce rejet épidermique n’est pas un refus de modernité ou un manque de conscience écologique. Il est juste le fruit d’une longue réflexion et de solides arguments, que la nouvelle moto américaine Zero SR/F prend un malin plaisir à démonter.
Mes collègues pensent que je suis un vieux con (…) parce que je refuse d’entendre parler de moto électrique.
Primo, cette SR/F est très performante. Elle dépasse les 200 km/h en un battement de cils. Et en termes de reprise, on ne trouve pas grand-chose qui fasse le poids. Comme elle n’a pas de boîte de vitesses et que le couple maxi est dispo quasiment tout le temps, rien n’accélère aussi fort de 30 à 170 km/h. Avec 19,3 mkg, son accélération correspond à ce qu’on ressent sur une Triumph Rocket III ou une Yamaha Vmax 1700. C’est monstrueux et assez kiffant, je dois avouer. Et elle fait tout ça dans un silence quasi complet. On entend tout juste un petit sifflement et le bruit des pneus.
Bon, j’aurais aimé y trouver un levier d’embrayage, juste pour pouvoir faire des roues arrière quand je veux. Mais je vous accorde que cette considération peut sembler un peu stupide. Mission accomplie pour les performances, donc !
Autonomie et recharge éclair
Deuzio, Zero annonce 320 km entre deux recharges. Ça laisse le temps de voir venir ! Mais cette valeur est annoncée en ville et avec le power tank optionnel. Vous me direz que la ville est le lieu de prédilection d’un véhicule électrique. Mais la SR/F prétend aller plus loin. Et sur route, on navigue entre 150 et 200 km. Ce qui est très bien, d’autant qu’avec le power tank en question et un chargeur optionnel, le temps de recharge descend à moins d’une heure.
La ZERO SR/F est le deux-roues le plus technologique du moment.
Tertio, notre moto à piles est le deux-roues le plus technologique du moment. Outre sa propulsion, elle embarque une électronique dernier cri. Le contrôle de stabilité gère l’accélération et le freinage en temps réel, et ajuste en permanence le couple distribué à la roue arrière. Mais surtout, elle est connectée. Sa carte sim intégrée lui permet de communiquer en permanence sa position, l’état de sa batterie, si on la déplace, etc. mais également de créer un mode de conduite totalement personnalisé via une application dédiée sur smartphone. Et si l’usine fait une mise à jour (pour ajouter de la performance, par exemple), il suffit de la télécharger sur l’appli et de la balancer dans la moto. Ça, c’est énorme.
Efficace !
Restait un doute quant à son efficacité. Il a été dissipé en quelques virages. Sa géométrie proche de celle d’un roadster sportif, ses très bonnes suspensions et son poids contenu (c’est à peu près celui d’une Kawasaki Z800) la rendent instinctive. Et comme un moteur électrique est par nature moins sujet à l’inertie qu’un moteur thermique (car il contient très peu de pièces en mouvement), la moto offre une stabilité exempt de tout reproche. Oui, sur route, cette moto électrique peut être très rapide.
Pour se faire une place dans un monde motard ultra conservateur, avoir un look « normal » était une bonne idée.
La SR/F est la première moto électrique à avoir un look « normal ». Et c’est une qualité. Car à trop vouloir jouer sur ses particularismes, la moto électrique se marginalise. Pour se faire une place dans le monde assez conservateur de la moto, rester dans des codes esthétiques classiques est une bonne idée. Et être jolie est un plus. Ça tombe bien, la Zero est plutôt jolie.
Le coût des choses
Objectivement, il ne manque pas grand chose à cette moto électrique pour concurrencer le thermique. Peut-être encore quelques dizaines de kilomètres d’autonomie supplémentaires afin d’atteindre les 200 bornes en conduite sportive, mais à part ça, je ne vois pas. À moins qu’on commence à aborder la question du prix. Car le modèle de base débute à 20 690 euros. Et pour le modèle toutes options (avec le tête de fourche, les poignées chauffantes, les embouts de guidon en alu et, surtout, un chargeur intégré qui divise le temps de recharge par deux, le chargeur supplémentaire qui, selon les prises, permet de doubler la capacité de recharge, et l’adaptateur pour prise murale), la facture monte à 26 415 euros.
Mais même si j’avais 26 415€, je ne m’achèterais jamais cette Zero. Car un moteur électrique n’a pas d’âme.
Mais subjectivement, il lui manque l’essentiel. Car même si j’avais 26 415 euros, je ne m’achèterais pas cette Zero. Au final, même si un moteur électrique est par définition parfait, les aspérités des moteurs thermiques ont fini par me manquer. Le moteur est l’âme d’une moto. C’est sa sonorité, ses vibrations, ses variations dans l’arrivée de la puissance qui lui donnent sa personnalité. C’est le besoin de composer avec une mécanique avec laquelle on a lentement fait connaissance qui donne tout le sel du pilotage d’une moto. Or, un moteur électrique n’a rien de tout ça. Son efficacité froide fait qu’il n’a pas d’âme. Oui, je suis un vieux con. Mais vous savez que j’ai raison.
Est-ce qu’on finira tous en électrique ?
- Le réseau électrique peut-il supporter une recharge simultanée de tout le parc de véhicules en France ? Pour l’instant, le réseau peut supporter 10 millions de véhicules. Au-delà , il faudra faire de nombreux investissements pour adapter.
- Les énergies renouvelables appelées à nous aider à baisser notre dépendance au nucléaire seront-elles suffisantes pour cette augmentation de consommation ?
- Les batteries et moteurs électriques nécessitent des métaux rares (cobalt, lithium, etc) extraits dans des conditions difficiles, qui imposent une forte pollution des sols et des conditions de travail souvent difficiles. À notre échelle, l’électrique est propre. Mais au niveau de la planète, il y a encore de gros progrès à faire (les constructeurs travaillent sur des alternatives à ces métaux).
Le thermique n’a donc pas dit son dernier mot. Mais ne rêvons pas. D’ici une cinquantaine d’années, nos moteurs hurlants ne seront qu’un souvenir ému.